Traumatisme Comportemental Iatrogène
- Ciska Girault
- il y a 4 heures
- 3 min de lecture

J’aimerais vous raconter une histoire :
Imaginez un chien qui vient pour une castration.
Imaginez que, lors de la première incision cutanée, le chien commence à saigner, à saigner, à saigner… à saigner de façon totalement anormale.
Le vétérinaire continue sa chirurgie, coupe les grosses veines et les artères, comme pour n’importe quelle chirurgie.
Le chien fait une hémorragie grave, il nécessite les soins intensifs, il s’en sort avec des séquelles et une facture plus élevée que prévue.
Vous vous dites :
ton histoire n’est pas crédible, le vétérinaire aurait pensé à un problème de coagulation, et n’aurait pas pris le risque de continuer la chirurgie car le risque d’hémorragie iatrogène lié à la chirurgie était trop important chez cet individu. D’autant plus qu’il existe une alternative comme l’implant.
Vous avez raison. Cette histoire n’est pas arrivée.
Maintenant, je vais vous raconter une autre histoire :
C’est un chien qui a une tique sur la tête.
Sa propriétaire n’arrive pas à l’enlever : le chien bouge trop. Inquiète, elle demande à son vétérinaire de la retirer.
Mais le chien ne se laisse pas non plus faire avec le vétérinaire, il se débat, il panique, il devient agressif. On lui met une muselière, ou du moins, on essaye, c’est de pire en pire. Impossible de museler le chien et celui-ci devient réellement dangereux.
Finalement le chien repart avec un comprimé anti-tique et la tique meurt 2 jours plus tard sans transmettre de maladie.
Fin de l’histoire ? non
Ce chien est maintenant totalement inapprochable par un vétérinaire.
Possibilité de suivi médical : anéanti.
Possibilité de médecine préventive : anéanti.
Possibilité de soins en cas de besoin : réduite à peau de chagrin.
Ce chien s’en sortira (j’espère) avec des « soins intensifs » de thérapie comportementale, et sans doute avec des séquelles.
Et là, vous dites:
ton histoire n’est pas crédible, le vétérinaire aurait pensé à un problème de comportement et n’aurait pas pris le risque de continuer car le risque de traumatisme comportemental iatrogène était trop important chez cet individu. D’autant plus qu’il existe des alternatives comme des antiparasitaires
Non ?
Pourquoi ?
Malheureusement, cette histoire-ci est vraie. Le plus triste ? Personne (y compris le vétérinaire !) ne souhaitait du mal au chien.
Le risque de lésions iatrogène pour une chirurgie est connu, reconnu, et parce qu’il est reconnu, il est fortement limité.
Mais il existe un risque iatrogène totalement ignoré, et parce qu’il n’est pas reconnu, il est terriblement majoré : le traumatisme comportemental iatrogène.
Tout acte médical expose à des risques iatrogènes : y compris le simple acte de retirer une tique ! L’impact psychologique peut-être tout aussi délétère qu’un impact physique. Démédicalisation, impossibilité de diagnostiquer ou soigner, euthanasie pour comportement.
Tous les individus de sont pas égaux : un chien hémophile risque sa vie pour une chirurgie. Un chien sensible dans ses rapports au contact ou avec l’humain risque aussi sa vie, peut-être pour un acte aussi simple que pour retirer une tique.
Reconnaitre l’existence de Traumatisme Comportemental Iatrogène, c’est reconnaitre que pour cet individu, la balance bénéfice-risque n’est pas en faveur d’insister pour retirer la tique manuellement, et choisir une option plus adaptée AVANT d’arriver à la catastrophe.
Et choisir la meilleure balance bénéfice-risque compte tenu de l’individu, c’est une partie inhérente du métier de vétérinaire.
Alors je milite pour que le traumatisme comportemental iatrogène soit un concept reconnu comme il le mérite !
C'est pour cela que PawLoVet existe.
Je remercie Monique Feyrecilde d’avoir mis ce terme sur ma route dans son livre Cooperative Veterinary Care
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